Restaurant éco-responsable et bio : quelles pistes pour valoriser ses valeurs auprès des clients? Exemple du Tiers lieu Trattino à Lyon.
Interview de Davide Fontana, Co-fondateur du Tiers-lieu Trattino.
Le tiers-lieu est un atout pour communiquer sur ses valeurs
Trattino est un tiers-lieu restaurant, bar et épicerie situé à Lyon dans le 7ème arrondissement. Le restaurant a été la première étape du projet, et nous y avons connecté en 2021 un bar-café, une épicerie et une programmation culturelle pour devenir un vrai lieu de vie autour de l'éco-alimentation.
Au-delà de la restauration, on souhaite être un lieu éco-culturel pour partager nos valeurs. La boutique a une importance fondamentale car elle joue le rôle de garde-manger pour l'approvisionnement du restaurant, et c'est le trait d'union qui renforce la transparence de notre activité. Notre objectif, c'est aussi d'accompagner le citoyen dans cette réflexion sur la transparence alimentaire. Le client qui vient manger ou boire un café peut faire ses courses par la même occasion. Mais aujourd'hui la compréhension est déséquilibrée par les consommateurs qui viennent avant tout pour le restaurant ; on souhaite donc rééquilibrer en développant la boutique et son rôle dans l’entreprise.
Demain, on souhaite que les clients puissent faire une commande en ligne pour récupérer leurs courses à la pause du déjeuner ; et qu'ils puissent retrouver des produits uniques, bio et locaux, en exclusivité chez Trattino. On souhaite ainsi développer nos propres produits tels que le houmous, les gnocchis, les sauces, qui correspondent à nos critères d'approvisionnement bio et locaux.
Le bio et local : des contraintes qui font la force du projet
Le bio c'est une évidence pour nous, c'est pourquoi nous avons fait le choix de la certification. On travaille avec environ 60% d'ingrédients produits à moins de 150 km, et une grande partie à moins de 50 km, et tout est fait maison. C'est sûr que ces critères sont une contrainte, car ils nous restreignent et nous coûtent. Pour être rentable on a besoin de rigueur, par exemple en respectant bien les fiches techniques sur les quantités. Mais le bio et local font partie de nos valeurs fondatrices donc on s'adapte autour en trouvant des astuces pour réduire les coûts. L’épicerie nous permet par exemple d'avoir zéro perte car tous les légumes sont transformés par la suite : on a des produits d'exception, donc on ne peut pas se permettre de jeter !
Les gens peuvent parfois trouver le repas cher, alors que par rapport à la qualité et au travail fourni ça ne l’est pas. C’est pourquoi le côté pédagogique du projet permet d’expliquer les valeurs ; les clients ne se rendent parfois pas compte que nous avons pelé 100 kilos de patates pour réaliser les gnocchis par exemple !
Aussi, on paye pour valoriser notre compost, et je trouve dommage qu'on soit finalement pénalisé par rapport aux autres restaurants alors que nos actions vont dans le bon sens. Il faut avoir des convictions et s'y tenir, car on peut toujours être tenté par la facilité du non fait maison ou du grossiste...
S’adapter au télétravail et continuer à offrir une expérience en salle
La plupart des restaurants de Lyon ont une clientèle professionnelle à midi. Le télétravail s'est développé et est entré dans les habitudes, mais l'humain a besoin de vivre en société. Les gens aiment venir au restaurant pour se divertir, être servi, donc je pense qu'il y aura toujours un bassin de population intéressé pour manger sur place. On s'adapte aux consommateurs, mais le click-and-collect a ses limites. Certes il faut être rapide au repas du midi, mais le client a envie d'être aussi chouchouté et qu'il y ait un échange. C’est important qu’on soit vigilant à continuer à offrir un haut niveau d’accueil et de service en salle.
Les valeurs ne sont plus suffisantes !
En cette période post-covid, on voit malheureusement qu'il y a un désengagement des valeurs du consommateur, et ça me fait un peu peur ! Les valeurs ne sont pas suffisantes pour que les consommateurs viennent, il faut être sympa et accueillant. L'idée c'est de valoriser sur place nos valeurs, en plus, sans que ce soit le seul argument pour venir manger chez nous. Je pensais que la Covid-19 nous permettrait de faire deux pas en avant sur ces questions environnementales, et finalement on fait presque trois pas en arrière ! Il y a un côté "yolo" post-covid. Donc c'est important de mettre en avant d'autre chose que les valeurs, tout en les réaffirmant.
On souhaiterait communiquer davantage sur les externalités positives du bio, mais en même temps c'est délicat car le consommateur vient avant tout pour passer un bon moment et n'a pas forcément envie d'en parler ! Ce qui est sûr, c’est que les personnes qui recherchent du bio et local viennent chez nous, car nous sommes bien identifiés sur le sujet.